Les Quatre Etapes de la Vie
style= »font-weight: 400; »>La vie est une catin. Et puis on meurt. C’est en regardant mon nombril l’autre jour que j’ai décrété que ladite catin pouvait se subdiviser en quatre étapes. Que voici.
ETAPE 1 : L’IMITATION
Nous sommes nés sans savoir faire quoi que ce soit. Nous ne savons pas marcher, parler, nous ne pouvons pas nous nourrir tous seuls, nous ne savons même pas remplir nous-mêmes notre avis d’imposition, merde !
En tant que nourrissons, notre façon d’apprendre se fait en regardant et en imitant les autres. Nous acquérons tout d’abord des compétences physiques, comme marcher ou parler. Puis nous développons une intelligence relationnelle en regardant puis en imitant notre entourage. Enfin, à la fin de l’enfance, nous apprenons à nous adapter à notre culture environnante, en respectant les règles et les normes du monde qui nous entoure et nous essayons de nous comporter de façon conforme à ce qui est généralement considéré comme acceptable par la société.
Le but de cette Etape 1 est de nous apprendre comment évoluer au sein de la société, de manière à former des adultes autonomes et auto-suffisants. L’idée sous-jacente est que les adultes de la communauté qui nous entoure nous aident à atteindre ce niveau en nous encourageant à prendre des décisions et à agir par nous-mêmes.
Cependant, certains adultes et autres membres de la communauté autour de nous sont plutôt nuls. Ils nous punissent pour notre indépendance. Ils ne soutiennent pas nos décisions. Et par conséquent, nous ne devenons pas autonomes. Nous restons bloqués à l’Etape 1, à imiter indéfiniment ceux qui nous entourent, dans un effort désespéré pour plaire à tous afin de ne pas être jugés.
Chez un individu sain « normal », l’Etape 1 durera jusqu’à l’adolescence et le début de l’âge adulte.3 Pour certains, cette étape peut durer plus longtemps dans l’âge adulte. Quelques-uns se réveillent un jour à 45 ans et prennent conscience qu’ils n’ont jamais réellement vécus pour eux-mêmes et se demandent où sont passées toutes ces années.
Il s’agissait donc de l’Etape 1. L’imitation. La recherche constante d’approbation et de validation. L’absence de pensée indépendante et de valeurs personnelles.
Nous devons être conscients des normes et des attentes de notre entourage. Mais nous devons également devenir suffisamment forts pour agir à l’encontre de ces mêmes normes et de ces mêmes attentes lorsque nous estimons que c’est nécessaire. Nous devons développer la capacité à agir par nous-mêmes et pour nous-mêmes.
ETAPE 2 : LA DECOUVERTE DE SOI
Au cours de l’Etape 1, nous apprenons à nous fondre dans la culture et les personnes autour de nous. L’Etape 2 consiste en l’apprentissage de ce qui nous rend différent de cette culture et de ces personnes qui nous entourent. L’Etape 2 nécessite que nous commencions à prendre nos propres décisions, pour nous tester, pour nous comprendre nous-mêmes et ce qui nous rend uniques.
L’Etape 2 comporte son lot de tentatives, d’échecs, et d’expérimentation. Nous faisons l’expérience de la vie dans d’autres lieux, avec d’autres gens, en ingérant de nouvelles substances, et en jouant avec autrui et ses orifices.
Au cours de mon Etape 2 personnelle, j’ai fugué et visité quelque 50 pays. Pour mon frère, l’Etape 2, ce fut une plongée tête la première dans le système politique de Washington. Pour chacun de nous, l’Etape 2 est légèrement différente, car chacun de nous est légèrement différent des autres.
L’Etape 2 est un processus de découverte. Nous essayons de choses. Certaines fonctionnent. D’autres non. Le but est de garder celles qui fonctionnent et de continuer.
L’Etape 2 dure jusqu’à ce que nous découvrions nos propres limites. C’est difficilement audible pour beaucoup de monde. Mais contrairement à ce qu’Oprah (Winfrey) et Deepak Chopra pourraient vous en dire, découvrir ses limites est quelque chose de bon et de sain.
Vous allez sans doute simplement être très mauvais à certaines choses, peu importe l’effort que vous y mettiez. Et vous devez justement savoir quelles sont ces choses-là. Mon génome ne me garantit pas un penchant pour l’excellence en quoi que ce soit d’athlétique. Ça m’a déprimé de le savoir, mais je l’ai intégré. Je suis également aussi performant pour me nourrir qu’un bébé qui fait dégouliner du jus de pomme partout par terre. Cela a également été bon à savoir. Nous devons découvrir ce en quoi nous sommes nuls. Et plus tôt nous le découvrons, mieux c’est.
Donc, nous sommes juste nuls pour faire certaines choses. Il y a également des choses pour lesquelles nous sommes bons pendant un moment, mais qui semblent avoir des résultats moins probants avec le temps. Parcourir le monde est un exemple. Coucher avec des tas de gens en est un autre. Boire le jeudi soir en est un troisième. Il y en a beaucoup d’autres. Croyez-moi.
Vos limites sont importantes parce que vous devrez au bout du compte arriver à assimiler le fait que votre temps sur cette planète est limité lui-aussi, et qu’en conséquence, vous devriez le consacrer aux choses qui importent le plus. Cela signifie se rendre compte que vous ne devez pas forcément faire quelque chose simplement parce que vous pouvez le faire. Cela signifie se rendre compte qu’apprécier certaines personnes ne veut pas dire que vous devez les fréquenter. Cela signifie se rendre compte que chaque opportunité a un coût et que vous ne pouvez pas tout avoir.
Certaines personnes ne s’autorisent jamais à ressentir ces limites – soit parce qu’elles refusent d’admettre leurs échecs, soit parce qu’elles s’auto-persuadent que leurs limites n’existent pas. Ces personnes restent bloquées à l’Etape 2.
Il y a les « entrepreneurs forcenés » qui ont 38 ans, qui habitent chez leurs parents et qui n’ont toujours pas gagné d’argent après 15 ans de tentatives. Il y a les « acteurs » qui sont toujours serveurs et qui n’ont pas passé d’auditions depuis deux ans. Il y a les gens qui ne peuvent pas s’engager dans une relation à long terme parce qu’ils ont le sentiment tenace qu’il y a quelqu’un de mieux qui les attend au coin de la rue. Tous ceux-là se voilent la face quant à leurs échecs et « relâchent » leur négativité autour d’eux, ou « purgent » ces antécédents de leurs vies.
A un moment ou à un autre, nous devons nous rendre à l’évidence : la vie est courte, nos rêves ne pourront pas tous être réalisés, donc nous devons choisir avec précaution notre meilleure chance et nous y dédier.
Mais les gens qui restent bloqués à l’Etape 2 passent la plupart de leur temps à se convaincre du contraire. Qu’ils sont sans limites. Qu’ils peuvent tout surmonter. Que leur vie suit une croissance et une progression illimitées, tandis que tout le monde autour d’eux peut voir qu’ils ne font guère que du sur-place.
Chez un individu classique, l’Etape 2 commence au milieu voire à la fin de l’adolescence, et dure jusqu’au milieu de la vingtaine ou au milieu de la trentaine. Les personnes qui restent coincées à l’Etape 2 plus longtemps que cela sont communément associées au « syndrome de Peter Pan » – les éternels adolescents, les « adulescents », toujours à la recherche d’eux-mêmes sans trouver quoi que ce soit.
ETAPE 3 : L’ENGAGEMENT
Une fois que vous avez poussé plus loin vos exigences et découvert soit vos limites (ex : l’exercice physique, l’art de la cuisine) soit les rendements décroissants de certaines activités (ex : faire la fête, les jeux vidéo, la masturbation), alors il ne vous reste plus que ce qui est à la fois : a) vraiment important pour vous, et b) ce en quoi vous n’êtes pas nul. C’est donc le moment pour vous de passer à l’action, et d’avoir un impact dans le monde.
L’Etape 3 est la charpente principale d’une vie. Dehors, les amis qui vous ralentissent ou vous tirent vers le bas ! Dehors, les activités et les passions qui ne sont en réalité qu’une perte de temps frénétique ! Dehors, les vieux rêves qui ne vont certainement pas se réaliser de sitôt !
Et ainsi, vous doublez la mise en revanche sur ce en quoi vous êtes bon, et ce qui est bon pour vous. Vous vous concentrez sur les relations qui importent le plus dans votre vie. Vous vous focalisez sur une seule mission dans la vie, que ce soit travailler sur la crise de l’énergie dans le monde ou être un blogueur qui se lamente, ou encore devenir un expert en neurosciences ou avoir une horde d’enfants morveux et baveux. Quelle qu’en soit l’issue, c’est durant l’Etape 3 que vous vous réalisez.
L’Etape 3 consiste à maximiser votre potentiel. Il s’agit de construire votre héritage. Qu’allez-vous laisser derrière vous quand vous serez parti ? Comment les gens se rappelleront-ils de vous ? Que ce soit une étude révolutionnaire, un nouvel objet ou une adorable famille, l’Etape 3 c’est laisser le monde légèrement différent de l’état dans lequel vous l’avez trouvé.
L’Etape 3 se termine par la combinaison de deux choses : 1) vous avez le sentiment qu’il n’y a pas grand-chose de plus à accomplir, et 2) vous devenez vieux et fatigué, et vous estimez que vous préférez alors déguster des martinis et faire des mots croisés toute la journée.
Chez les individus « normaux », l’Etape 3 dure généralement de la trentaine jusqu’à la retraite.
Ceux qui se cantonnent à l’Etape 3 le font souvent parce qu’ils ne savent pas comment lâcher prise vis-à-vis de leur ambition et leur désir perpétuel d’en faire ou d’en avoir toujours plus. Cette incapacité à relâcher son emprise sur le pouvoir ou l’influence que l’on désire va à l’encontre des effets naturellement calmants du temps et ces personnes restent souvent déterminés et ambitieux jusqu’à atteindre 70 ou 80 ans.
ETAPE 4 : L’HERITAGE
On arrive à l’Etape 4 en ayant passé pratiquement un demi-siècle à s’investir dans ce que l’on estimait avoir du sens et être important pour nous. On a accompli de grandes choses, travaillé dur, obtenu tout ce que l’on a à présent, peut-être fondé une famille ou une association caritative ou une révolution politique ou culturelle, voire deux, et l’on est arrivé au bout. On a atteint l’âge où l’énergie et les circonstances ne nous permettent plus de continuer à poursuivre ce but.
Le but de l’Etape 4 ne devient donc non pas laisser un héritage, mais faire en sorte que celui-ci dure au-delà de notre propre mort.
Cela peut être quelque chose d’aussi trivial que d’apporter votre soutien et de conseiller vos enfants (maintenant adultes) et à vivre indirectement à travers eux. Cela peut signifier devoir transmettre vos projets et votre travail à un disciple ou un apprenti. Cela peut également devenir plus actif politiquement pour maintenir vos valeurs dans une société qui vous est de plus en plus méconnaissable.
L’Etape 4 est importante psychologiquement car elle rend plus concrète la réalité toujours grandissante de sa propre mortalité. En tant qu’humains, nous avons un besoin profond de sentir que nos vies ont un sens. Cette quête de sens que nous poursuivons constamment n’est en fait que notre défense psychologique face à l’incompréhensibilité de cette vie et à l’inéluctabilité de notre mort. Perdre ce sens, ou le voir s’effacer, ou avoir progressivement le sentiment que le monde continue sans vous, c’est regarder le néant dans les yeux et le laisser délibérément vous consumer.
A QUOI BON ?
Évoluer à chaque étape consécutive de notre vie nous permet un plus grand contrôle de notre bonheur et de notre bien-être.
Au cours de l’Etape 1, une personne est entièrement dépendante de l’action et de l’assentiment d’autres personnes pour être heureuse. C’est une stratégie épouvantable parce que ces autres personnes sont imprévisibles et peu fiables.
Lors de l’Etape 2, on compte plus sur nous-mêmes, mais l’on reste toujours dépendant de signes extérieurs de succès pour être heureux – gagner de l’argent, être félicité, remporter des victoires ou des conquêtes, etc. Ces signes de succès sont contrôlables plus facilement que des personnes, mais restent en grande partie imprévisibles à long terme.
L’Etape 3 s’appuie sur une poignée de relations et d’expériences qui se sont révélées résistantes au temps et dignes d’intérêt durant l’Etape 2. Elles sont plus fiables. Et enfin, l’Etape 4 requiert seulement que l’on se repose sur ce que l’on a déjà accompli jusque-là, le plus longtemps possible.
A chaque étape intermédiaire, le bonheur se fonde davantage sur nos valeurs internes et maîtrisables, et moins sur les aspects externes du monde en perpétuel changement.
LE CONFLIT INTER-ETAPES
Les étapes ultérieures ne viennent pas remplacer les premières. Elles les transcendent. Les personnes parvenues à l’Etape 2 continuent à prendre en compte l’adhésion sociale. Ils se concentrent simplement sur quelque chose de plus important pour eux. Les personnes à l’Etape 3 continuent de vouloir tester leurs limites. Ils se concentrent simplement davantage sur les engagements qu’ils ont choisis.
Chaque étape représente une redistribution des priorités de la vie. C’est la raison pour laquelle lorsque quelqu’un passe d’une étape à une autre, on ressent souvent une dégradation dans les liens amicaux et relationnels. Si vous étiez à l’Etape 2 ainsi que tous vos amis, et que vous vous posiez soudainement, pour un engagement plus grand et que vous débutiez l’Etape 3 alors que vos amis sont toujours à l’Etape 2, il y aura une rupture majeure entre vos valeurs et les leurs qui sera difficile à surmonter.
En général, les gens ont tendance à projeter les priorités de l’étape dans laquelle ils sont sur tous ceux qui les entourent. Ceux de l’Etape 1 vont juger les autres selon leur capacité à être valorisés socialement. Ceux de l’Etape 2 vont juger les autres selon leur capacité à repousser leurs limites et à tester de nouvelles choses. Ceux de l’Etape 3 vont juger les autres en fonction de leurs engagements et sur ce qu’ils sont capables d’accomplir. Ceux de l’Etape 4 vont juger les autres sur les combats qu’ils mènent et leurs choix de vie.
LES BONS COTES D’UN TRAUMATISME
Le développement personnel est souvent dépeint comme une progression rose et pavée de fleurs depuis les tréfonds de la débilité vers la lumière de l’esprit éclairé, qui inclut beaucoup de joie, des bonds dans des champs de pâquerettes, et des high-five à deux mille personnes lors de séminaires pour lesquels vous avez payé l’entrée bien trop cher.
Mais la vérité, c’est que ces transitions entre les grandes étapes de la vie sont généralement déclenchées par un choc ou un événement très négatif dans la vie de quelqu’un. Une expérience de mort imminente. Un divorce. Une amitié qui sombre, ou la mort d’un être cher.
Un traumatisme nous contraint à prendre du recul et à réévaluer nos décisions et motivations profondes. Cela nous permet de nous demander si nos stratégies de poursuite du bonheur fonctionnent réellement ou non.
CE QUI NOUS BLOQUE
C’est en fait la même chose qui nous bloque à chaque étape : un sentiment personnel de décalage, d’inadéquation.
Nous restons bloqués à l’Etape 1 parce que nous nous sentons imparfaits ou différents des autres, et nous nous efforçons donc à faire en sorte que les personnes de notre entourage ne voient que ce qu’ils voudraient voir. Peu importe qu’ils soient satisfaits, nous avons le sentiment que ce n’est jamais assez.
Nous restons bloqués à l’Etape 2 parce que nous avons le sentiment que nous devons toujours faire plus, faire mieux, faire des choses nouvelles et excitantes, nous améliorer dans ceci ou cela. Mais peu importe quels efforts nous faisons, nous avons le sentiment que ce n’est jamais assez.
Nous restons bloqués à l’Etape 3 parce que nous avons le sentiment que ce que nous faisons n’a pas assez de sens ou d’influence sur le monde, que l’on peut avoir un impact encore plus grand dans les domaines spécifiques auxquels nous nous consacrons. Mais peu importe quels efforts nous faisons, nous avons le sentiment que ce n’est jamais assez.
On pourrait se dire également que nous restons bloqués à l’Etape 4 parce que nous restons incertains que notre héritage puisse être durable ou avoir un impact suffisamment significatif sur les générations futures. Nous nous y cramponnons, nous nous y attachons jusqu’à notre dernier souffle. Mais nous n’avons jamais le sentiment que ce sera suffisant.
La solution pour réussir chaque étape est donc de faire un pas en arrière. Pour dépasser l’Etape 1, nous devons accepter que nous ne serons jamais parfaits pour tout le monde tout le temps, et qu’il faut donc prendre des décisions pour nous-mêmes.
Pour dépasser l’Etape 2, nous devons accepter que nous ne serons jamais en mesure d’accomplir tous nos rêves ou de combler tous nos désirs, et donc cibler ce qui compte le plus et s’y focaliser.
Pour dépasser l’Etape 3, nous devons prendre conscience que notre temps et notre énergie ont une limite, et donc songer à transmettre à d’autres la tâche de poursuivre les projets porteurs de sens que l’on a entrepris.
Pour dépasser l’Etape 4, nous devons prendre conscience que le changement est inévitable, et que l’influence de quelqu’un, peu importe sa portée, sa puissance, ou son importance, va finir par se dissiper elle-aussi.
Et la vie poursuivra son chemin.
Traduit par Matthieu Volait
- style= »font-weight: 400; »>La vie est une catin. Et puis on meurt. C’est en regardant mon nombril l’autre jour que j’ai décrété que ladite catin pouvait se subdiviser en quatre étapes. Que voici.
ETAPE 1 : L’IMITATION
Nous sommes nés sans savoir faire quoi que ce soit. Nous ne savons pas marcher, parler, nous ne pouvons pas nous nourrir tous seuls, nous ne savons même pas remplir nous-mêmes notre avis d’imposition, merde !
En tant que nourrissons, notre façon d’apprendre se fait en regardant et en imitant les autres. Nous acquérons tout d’abord des compétences physiques, comme marcher ou parler. Puis nous développons une intelligence relationnelle en regardant puis en imitant notre entourage. Enfin, à la fin de l’enfance, nous apprenons à nous adapter à notre culture environnante, en respectant les règles et les normes du monde qui nous entoure et nous essayons de nous comporter de façon conforme à ce qui est généralement considéré comme acceptable par la société.
Le but de cette Etape 1 est de nous apprendre comment évoluer au sein de la société, de manière à former des adultes autonomes et auto-suffisants. L’idée sous-jacente est que les adultes de la communauté qui nous entoure nous aident à atteindre ce niveau en nous encourageant à prendre des décisions et à agir par nous-mêmes.
Cependant, certains adultes et autres membres de la communauté autour de nous sont plutôt nuls. Ils nous punissent pour notre indépendance. Ils ne soutiennent pas nos décisions. Et par conséquent, nous ne devenons pas autonomes. Nous restons bloqués à l’Etape 1, à imiter indéfiniment ceux qui nous entourent, dans un effort désespéré pour plaire à tous afin de ne pas être jugés.
Chez un individu sain « normal », l’Etape 1 durera jusqu’à l’adolescence et le début de l’âge adulte.{{3}} Pour certains, cette étape peut durer plus longtemps dans l’âge adulte. Quelques-uns se réveillent un jour à 45 ans et prennent conscience qu’ils n’ont jamais réellement vécus pour eux-mêmes et se demandent où sont passées toutes ces années.
Il s’agissait donc de l’Etape 1. L’imitation. La recherche constante d’approbation et de validation. L’absence de pensée indépendante et de valeurs personnelles.
Nous devons être conscients des normes et des attentes de notre entourage. Mais nous devons également devenir suffisamment forts pour agir à l’encontre de ces mêmes normes et de ces mêmes attentes lorsque nous estimons que c’est nécessaire. Nous devons développer la capacité à agir par nous-mêmes et pour nous-mêmes.
ETAPE 2 : LA DECOUVERTE DE SOI
Au cours de l’Etape 1, nous apprenons à nous fondre dans la culture et les personnes autour de nous. L’Etape 2 consiste en l’apprentissage de ce qui nous rend différent de cette culture et de ces personnes qui nous entourent. L’Etape 2 nécessite que nous commencions à prendre nos propres décisions, pour nous tester, pour nous comprendre nous-mêmes et ce qui nous rend uniques.
L’Etape 2 comporte son lot de tentatives, d’échecs, et d’expérimentation. Nous faisons l’expérience de la vie dans d’autres lieux, avec d’autres gens, en ingérant de nouvelles substances, et en jouant avec autrui et ses orifices.
Au cours de mon Etape 2 personnelle, j’ai fugué et visité quelque 50 pays. Pour mon frère, l’Etape 2, ce fut une plongée tête la première dans le système politique de Washington. Pour chacun de nous, l’Etape 2 est légèrement différente, car chacun de nous est légèrement différent des autres.
L’Etape 2 est un processus de découverte. Nous essayons de choses. Certaines fonctionnent. D’autres non. Le but est de garder celles qui fonctionnent et de continuer.
L’Etape 2 dure jusqu’à ce que nous découvrions nos propres limites. C’est difficilement audible pour beaucoup de monde. Mais contrairement à ce qu’Oprah (Winfrey) et Deepak Chopra pourraient vous en dire, découvrir ses limites est quelque chose de bon et de sain.
Vous allez sans doute simplement être très mauvais à certaines choses, peu importe l’effort que vous y mettiez. Et vous devez justement savoir quelles sont ces choses-là. Mon génome ne me garantit pas un penchant pour l’excellence en quoi que ce soit d’athlétique. Ça m’a déprimé de le savoir, mais je l’ai intégré. Je suis également aussi performant pour me nourrir qu’un bébé qui fait dégouliner du jus de pomme partout par terre. Cela a également été bon à savoir. Nous devons découvrir ce en quoi nous sommes nuls. Et plus tôt nous le découvrons, mieux c’est.
Donc, nous sommes juste nuls pour faire certaines choses. Il y a également des choses pour lesquelles nous sommes bons pendant un moment, mais qui semblent avoir des résultats moins probants avec le temps. Parcourir le monde est un exemple. Coucher avec des tas de gens en est un autre. Boire le jeudi soir en est un troisième. Il y en a beaucoup d’autres. Croyez-moi.
Vos limites sont importantes parce que vous devrez au bout du compte arriver à assimiler le fait que votre temps sur cette planète est limité lui-aussi, et qu’en conséquence, vous devriez le consacrer aux choses qui importent le plus. Cela signifie se rendre compte que vous ne devez pas forcément faire quelque chose simplement parce que vous pouvez le faire. Cela signifie se rendre compte qu’apprécier certaines personnes ne veut pas dire que vous devez les fréquenter. Cela signifie se rendre compte que chaque opportunité a un coût et que vous ne pouvez pas tout avoir.
Certaines personnes ne s’autorisent jamais à ressentir ces limites – soit parce qu’elles refusent d’admettre leurs échecs, soit parce qu’elles s’auto-persuadent que leurs limites n’existent pas. Ces personnes restent bloquées à l’Etape 2.
Il y a les « entrepreneurs forcenés » qui ont 38 ans, qui habitent chez leurs parents et qui n’ont toujours pas gagné d’argent après 15 ans de tentatives. Il y a les « acteurs » qui sont toujours serveurs et qui n’ont pas passé d’auditions depuis deux ans. Il y a les gens qui ne peuvent pas s’engager dans une relation à long terme parce qu’ils ont le sentiment tenace qu’il y a quelqu’un de mieux qui les attend au coin de la rue. Tous ceux-là se voilent la face quant à leurs échecs et « relâchent » leur négativité autour d’eux, ou « purgent » ces antécédents de leurs vies.
A un moment ou à un autre, nous devons nous rendre à l’évidence : la vie est courte, nos rêves ne pourront pas tous être réalisés, donc nous devons choisir avec précaution notre meilleure chance et nous y dédier.
Mais les gens qui restent bloqués à l’Etape 2 passent la plupart de leur temps à se convaincre du contraire. Qu’ils sont sans limites. Qu’ils peuvent tout surmonter. Que leur vie suit une croissance et une progression illimitées, tandis que tout le monde autour d’eux peut voir qu’ils ne font guère que du sur-place.
Chez un individu classique, l’Etape 2 commence au milieu voire à la fin de l’adolescence, et dure jusqu’au milieu de la vingtaine ou au milieu de la trentaine. Les personnes qui restent coincées à l’Etape 2 plus longtemps que cela sont communément associées au « syndrome de Peter Pan » – les éternels adolescents, les « adulescents », toujours à la recherche d’eux-mêmes sans trouver quoi que ce soit.
ETAPE 3 : L’ENGAGEMENT
Une fois que vous avez poussé plus loin vos exigences et découvert soit vos limites (ex : l’exercice physique, l’art de la cuisine) soit les rendements décroissants de certaines activités (ex : faire la fête, les jeux vidéo, la masturbation), alors il ne vous reste plus que ce qui est à la fois : a) vraiment important pour vous, et b) ce en quoi vous n’êtes pas nul. C’est donc le moment pour vous de passer à l’action, et d’avoir un impact dans le monde.
L’Etape 3 est la charpente principale d’une vie. Dehors, les amis qui vous ralentissent ou vous tirent vers le bas ! Dehors, les activités et les passions qui ne sont en réalité qu’une perte de temps frénétique ! Dehors, les vieux rêves qui ne vont certainement pas se réaliser de sitôt !
Et ainsi, vous doublez la mise en revanche sur ce en quoi vous êtes bon, et ce qui est bon pour vous. Vous vous concentrez sur les relations qui importent le plus dans votre vie. Vous vous focalisez sur une seule mission dans la vie, que ce soit travailler sur la crise de l’énergie dans le monde ou être un blogueur qui se lamente, ou encore devenir un expert en neurosciences ou avoir une horde d’enfants morveux et baveux. Quelle qu’en soit l’issue, c’est durant l’Etape 3 que vous vous réalisez.
L’Etape 3 consiste à maximiser votre potentiel. Il s’agit de construire votre héritage. Qu’allez-vous laisser derrière vous quand vous serez parti ? Comment les gens se rappelleront-ils de vous ? Que ce soit une étude révolutionnaire, un nouvel objet ou une adorable famille, l’Etape 3 c’est laisser le monde légèrement différent de l’état dans lequel vous l’avez trouvé.
L’Etape 3 se termine par la combinaison de deux choses : 1) vous avez le sentiment qu’il n’y a pas grand-chose de plus à accomplir, et 2) vous devenez vieux et fatigué, et vous estimez que vous préférez alors déguster des martinis et faire des mots croisés toute la journée.
Chez les individus « normaux », l’Etape 3 dure généralement de la trentaine jusqu’à la retraite.
Ceux qui se cantonnent à l’Etape 3 le font souvent parce qu’ils ne savent pas comment lâcher prise vis-à-vis de leur ambition et leur désir perpétuel d’en faire ou d’en avoir toujours plus. Cette incapacité à relâcher son emprise sur le pouvoir ou l’influence que l’on désire va à l’encontre des effets naturellement calmants du temps et ces personnes restent souvent déterminés et ambitieux jusqu’à atteindre 70 ou 80 ans.
ETAPE 4 : L’HERITAGE
On arrive à l’Etape 4 en ayant passé pratiquement un demi-siècle à s’investir dans ce que l’on estimait avoir du sens et être important pour nous. On a accompli de grandes choses, travaillé dur, obtenu tout ce que l’on a à présent, peut-être fondé une famille ou une association caritative ou une révolution politique ou culturelle, voire deux, et l’on est arrivé au bout. On a atteint l’âge où l’énergie et les circonstances ne nous permettent plus de continuer à poursuivre ce but.
Le but de l’Etape 4 ne devient donc non pas laisser un héritage, mais faire en sorte que celui-ci dure au-delà de notre propre mort.
Cela peut être quelque chose d’aussi trivial que d’apporter votre soutien et de conseiller vos enfants (maintenant adultes) et à vivre indirectement à travers eux. Cela peut signifier devoir transmettre vos projets et votre travail à un disciple ou un apprenti. Cela peut également devenir plus actif politiquement pour maintenir vos valeurs dans une société qui vous est de plus en plus méconnaissable.
L’Etape 4 est importante psychologiquement car elle rend plus concrète la réalité toujours grandissante de sa propre mortalité. En tant qu’humains, nous avons un besoin profond de sentir que nos vies ont un sens. Cette quête de sens que nous poursuivons constamment n’est en fait que notre défense psychologique face à l’incompréhensibilité de cette vie et à l’inéluctabilité de notre mort. Perdre ce sens, ou le voir s’effacer, ou avoir progressivement le sentiment que le monde continue sans vous, c’est regarder le néant dans les yeux et le laisser délibérément vous consumer.
A QUOI BON ?
Évoluer à chaque étape consécutive de notre vie nous permet un plus grand contrôle de notre bonheur et de notre bien-être.
Au cours de l’Etape 1, une personne est entièrement dépendante de l’action et de l’assentiment d’autres personnes pour être heureuse. C’est une stratégie épouvantable parce que ces autres personnes sont imprévisibles et peu fiables.
Lors de l’Etape 2, on compte plus sur nous-mêmes, mais l’on reste toujours dépendant de signes extérieurs de succès pour être heureux – gagner de l’argent, être félicité, remporter des victoires ou des conquêtes, etc. Ces signes de succès sont contrôlables plus facilement que des personnes, mais restent en grande partie imprévisibles à long terme.
L’Etape 3 s’appuie sur une poignée de relations et d’expériences qui se sont révélées résistantes au temps et dignes d’intérêt durant l’Etape 2. Elles sont plus fiables. Et enfin, l’Etape 4 requiert seulement que l’on se repose sur ce que l’on a déjà accompli jusque-là, le plus longtemps possible.
A chaque étape intermédiaire, le bonheur se fonde davantage sur nos valeurs internes et maîtrisables, et moins sur les aspects externes du monde en perpétuel changement.
LE CONFLIT INTER-ETAPES
Les étapes ultérieures ne viennent pas remplacer les premières. Elles les transcendent. Les personnes parvenues à l’Etape 2 continuent à prendre en compte l’adhésion sociale. Ils se concentrent simplement sur quelque chose de plus important pour eux. Les personnes à l’Etape 3 continuent de vouloir tester leurs limites. Ils se concentrent simplement davantage sur les engagements qu’ils ont choisis.
Chaque étape représente une redistribution des priorités de la vie. C’est la raison pour laquelle lorsque quelqu’un passe d’une étape à une autre, on ressent souvent une dégradation dans les liens amicaux et relationnels. Si vous étiez à l’Etape 2 ainsi que tous vos amis, et que vous vous posiez soudainement, pour un engagement plus grand et que vous débutiez l’Etape 3 alors que vos amis sont toujours à l’Etape 2, il y aura une rupture majeure entre vos valeurs et les leurs qui sera difficile à surmonter.
En général, les gens ont tendance à projeter les priorités de l’étape dans laquelle ils sont sur tous ceux qui les entourent. Ceux de l’Etape 1 vont juger les autres selon leur capacité à être valorisés socialement. Ceux de l’Etape 2 vont juger les autres selon leur capacité à repousser leurs limites et à tester de nouvelles choses. Ceux de l’Etape 3 vont juger les autres en fonction de leurs engagements et sur ce qu’ils sont capables d’accomplir. Ceux de l’Etape 4 vont juger les autres sur les combats qu’ils mènent et leurs choix de vie.
LES BONS COTES D’UN TRAUMATISME
Le développement personnel est souvent dépeint comme une progression rose et pavée de fleurs depuis les tréfonds de la débilité vers la lumière de l’esprit éclairé, qui inclut beaucoup de joie, des bonds dans des champs de pâquerettes, et des high-five à deux mille personnes lors de séminaires pour lesquels vous avez payé l’entrée bien trop cher.
Mais la vérité, c’est que ces transitions entre les grandes étapes de la vie sont généralement déclenchées par un choc ou un événement très négatif dans la vie de quelqu’un. Une expérience de mort imminente. Un divorce. Une amitié qui sombre, ou la mort d’un être cher.
Un traumatisme nous contraint à prendre du recul et à réévaluer nos décisions et motivations profondes. Cela nous permet de nous demander si nos stratégies de poursuite du bonheur fonctionnent réellement ou non.
CE QUI NOUS BLOQUE
C’est en fait la même chose qui nous bloque à chaque étape : un sentiment personnel de décalage, d’inadéquation.
Nous restons bloqués à l’Etape 1 parce que nous nous sentons imparfaits ou différents des autres, et nous nous efforçons donc à faire en sorte que les personnes de notre entourage ne voient que ce qu’ils voudraient voir. Peu importe qu’ils soient satisfaits, nous avons le sentiment que ce n’est jamais assez.
Nous restons bloqués à l’Etape 2 parce que nous avons le sentiment que nous devons toujours faire plus, faire mieux, faire des choses nouvelles et excitantes, nous améliorer dans ceci ou cela. Mais peu importe quels efforts nous faisons, nous avons le sentiment que ce n’est jamais assez.
Nous restons bloqués à l’Etape 3 parce que nous avons le sentiment que ce que nous faisons n’a pas assez de sens ou d’influence sur le monde, que l’on peut avoir un impact encore plus grand dans les domaines spécifiques auxquels nous nous consacrons. Mais peu importe quels efforts nous faisons, nous avons le sentiment que ce n’est jamais assez.
On pourrait se dire également que nous restons bloqués à l’Etape 4 parce que nous restons incertains que notre héritage puisse être durable ou avoir un impact suffisamment significatif sur les générations futures. Nous nous y cramponnons, nous nous y attachons jusqu’à notre dernier souffle. Mais nous n’avons jamais le sentiment que ce sera suffisant.
La solution pour réussir chaque étape est donc de faire un pas en arrière. Pour dépasser l’Etape 1, nous devons accepter que nous ne serons jamais parfaits pour tout le monde tout le temps, et qu’il faut donc prendre des décisions pour nous-mêmes.
Pour dépasser l’Etape 2, nous devons accepter que nous ne serons jamais en mesure d’accomplir tous nos rêves ou de combler tous nos désirs, et donc cibler ce qui compte le plus et s’y focaliser.
Pour dépasser l’Etape 3, nous devons prendre conscience que notre temps et notre énergie ont une limite, et donc songer à transmettre à d’autres la tâche de poursuivre les projets porteurs de sens que l’on a entrepris.
Pour dépasser l’Etape 4, nous devons prendre conscience que le changement est inévitable, et que l’influence de quelqu’un, peu importe sa portée, sa puissance, ou son importance, va finir par se dissiper elle-aussi.
Et la vie poursuivra son chemin.
Traduit par Matthieu V↵